L'ordre de Cîteaux
a fêté en 1998 son neuvième centenaire. L'abbaye
mère de Bourgogne fut fondée en 1098 par Robert de
Molesme. Son objectif principal consistait
à retrouver l'esprit de la Règle de Saint Benoît
de Nursie en réaction à l'apparat de
Cluny. Pauvreté, isolement, uniformité, travail et
prière furent les fondements des « moines blancs ».
Ces traits étaient contenus dans la Charte de charité,
constitution fondamentale de l'ordre rédigée en 1119
par le troisième abbé Etienne Harding. En Provence,
l'architecture des trois « sours » reflète cette
austérité qui regroupa dans toute l'Europe 343 abbayes
en 1153 avec Saint Bernard et 694 en 1300. Plusieurs manifestations
célébrant la révolution cistercienne auront
lieu dans les deux monastères d'où les moines sont
partis : Silvacane et Le Thoronet. Les trois symboles provençaux
de ce monachisme apparurent au XIIe siècle pour survivre
jusqu'à aujourd'hui.
L'abbaye
de Sénanque, près de Gordes, s'inscrit parfaitement
dans l'expansion cistercienne. Son architecture est sobre et dépouillée.
Aucun vitrail coloré, aucune statue ou peinture,
aucun tympan sculpté ou magnifique clocher ne doit venir
perturber le recueillement des moines. Après un apogée
au début du XIIIe siècle, l'abbaye déclina
au XIVe. Malgré un sursaut, l'insurrection vaudoise la frappa
profondément en 1544. Fin XVIIe, seulement deux moines habitaient
les lieux. La Révolution apparaît alors paradoxalement
comme une chance. Achetée comme bien national en 1791, elle
fut préservée et consolidée. Revendue en 1854
à un ecclésiastique, elle connut des vicissitudes
liées à la politique anticléricale de la Troisième
République. Puis, les moines partis quelques dizaines d'années
à Lérins revinrent définitivement en 1989.
Le monastère primitif a été conservé
dans sa totalité à l'exception de l'aile des convers
rebâtie au XVIIIe siècle. L'édifice se compose
d'une église, d'un cloître, d'un dortoir et de bâtiments
conventuels. La nef de l'église couverte en berceau sans
doubleaux est constituée de cinq travées. Une ample
coupole sur trompes chapeaute le croisé du transept.
L'abside semi-circulaire est percée de trois fenêtres
symbolisant le Trinité. Un mur ajouré d'une «
roue » dans le croisillon droit marque l'emplacement du tombeau
d'un seigneur de Venasque.
Le dépouillement
de l'architecture doit favoriser le dialogue avec Dieu.
Dans
le cloître, les galeries voûtées en berceau plein
cintre avec doubleaux reposent sur des consoles sculptées.
Les arcs de décharge abritent chacun deux groupes de colonnettes
géminées. La décoration des chapiteaux, feuillages,
fleurs, palmettes et entrelacs, reste très sobre. Tout autour
du cloître sont disposés les bâtiments conventuels
: salle capitulaire, chauffoir, réfectoire et bâtiment
des convers. Le dortoir se trouve près du chauffoir.
Plus au sud, les
deux autres abbayes, monuments d'Etat, ne sont plus habitées
depuis longtemps. La particularité de Silvacane relève
de sa fondation au XIe siècle par des moines de Saint Victor
de Marseille. L'établissement installé au milieu d'une
forêt de roseaux, Sylvacana, fut rattaché à
Cîteaux. Puis, en 1147, il reçut une donation de Guillaume
de la Roque et de Raymond des Baux. Cependant, la protection des
grands seigneurs de Provence n'empêcha pas un violent conflit
avec l'abbaye de Montmajour en 1289. Le sac du seigneur d'Aubignan
et les gelées de 1364 marquèrent le déclin
du monastère. Cette périodes'acheva en 1443
avec l'annexion au chapitre de la cathédrale Saint Sauveur
d'Aix. Eglise paroissiale de la Roque-d'Anthéron au début
du siècle suivant, elle connut des dégradations liées
aux guerres de religion. A l'abandon depuis la Révolution,
elle fut rachetée par l'Etat en 1949 et restaurée
depuis lors. Les bâtiment furent adaptés au terrain
en pente.
Entre Lorgues et Le Luc dans le Var, se trouve
la troisième « soeur »
L'abbaye du Thoronet
fut élevée au XIIe siècle. Comme Sénanque,
l'église de style roman provençal ne possède
pas de portail mais deux portes latérales. Le mur extérieur
du lieu de culte comporte un enfeus ou « dépositoire
» pour les morts du village, élément rare dans
cette région. Eglise, cloître et bâtiment conventuels
donnent l'impression d'un ensemble hors du commun, d'une harmonie
universelle.
Dans ces deux dernières abbayes
trois photographes donneront leur vision des lieux : Bogdan Konopka,
Anne Favret, Patrick Manez. Au Thoronet, quatre concert referont
vivre l'abbatiale. Jean-Paul Poletti et les Polyphonies de Sartène
inspirés par des chants franciscains débuteront le
25 septembre. Le lendemain, se produira le groupe A Filetta. Un
ensemble arménien de Marseille, Keram, continuera le 2 octobre.
Enfin, vous pourrez écouter Stephan Micus, « passeur
» de musiques traditionnelles.
Emmanuel Boutinard
Photographies
Emmanuel Boutinard- Juin 1998 - Abbaye de Silvacane, Bouches du
Rhône
Abbaye de Sénanque, Gordes, tél. 04 90 72 05 72 senanques.fr
Abbaye de Silvacane, La Roque d'Anthéron, tél. 04 42 50 41 69 abbaye-silvacane.com
Abbaye du Thoronet, Le Thoronet, tél. 04 94 60 43 90 le-thoronet.fr